Je voulais intituler cet article Nouvelles du front ou L’inexorable modernisation de l’enseignant, mais j’ai plutôt choisi trois mots qui résument les quelques jours d’école que je viens de vivre, juste après la rentrée des vacances d’automne.

Pandémie

Comme partout, mais encore plus ici dans notre magnifique région la plus touchée au début de la deuxième vague de COVID-19, les quarantaines (et parfois jours de maladie) des élèves s’accumulent, dans chaque classe, des absences de longue durée. À vue d’œil, en deux semaines, plus du 20% des élèves ont subi une quarantaine ou un isolement… Franchement difficile de s’en sortir pour l’enseignant qui ne sait plus quel élève était là dans quelle classe et qui doit rattraper quoi à quel moment !

Office 365

Depuis déjà quelques années, notre école travaille avec la suite de Microsoft. Comme dans beaucoup d’endroits, elle a fait ses preuves durant le confinement du printemps, avec un enseignement à distance effectué tant bien que mal par les enseignants, mais quand même des séquelles chez les élèves qui ont un peu trop profité de ne rien faire ou seulement le minimum. Bref, les outils sont de mieux en mieux utilisés par les uns et les autres.

Ces jours-ci, sur l’impulsion de sympathiques collègues, ou plutôt en prenant exemple sur eux, je me suis mis à OneNote. Je n’avais jamais vraiment compris le but de ce logiciel, et pour être franc, je n’en avais pas l’utilité. Les raisons pour cet engagement dans un nouveau logiciel et tout ce qui en découle (façon différente de travailler, de planifier, de gérer les documents, etc.) découlent d’un concours de circonstances :

  • difficile de s’occuper des élèves en quarantaine ou malades du COVID en même temps que de mes classes : on ne sait plus qui était là quand, et à cela, on ajoute des sportifs qui partent en camp et diverses autres absences…
  • une volonté de tranquillement me passer du papier, non pas que je n’aime pas ça, mais tout est de plus en plus numérisé et je commence à avoir tout à double, papier et numérique !
  • je possède depuis le confinement une tablette graphique (wacom intuos S), achetée pour corriger les travaux des élèves sur mon ordinateur.
  • je suis sous Windows depuis la rentrée, pour régler un problème matériel, mais aussi pour me simplifier la vie dans mon établissement lié à Office 365!

Je me suis donc mis du jour au lendemain à utiliser Onenote en guise de tableau numérique (nos classes sont équipées de tableau blanc avec projecteur), avec ma tablette graphique pour écrire et Teams pour que les élèves absents puissent suivre, via un partage d’écran, le cours depuis la maison. Ils voient mon écran, qui est aussi projeté en classe et entendent ce qui s’y passe. Ils peuvent, comme un autre élève présent, intervenir pour poser une question ou répondre aux miennes.

Basculement

On comprend donc le basculement qui est en train de se passer. Une fois de retour à la normale, pas tout de suite sûrement, quelles habitudes resteront ?

Pour l’enseignant : des outils bien pratiques, mais qui poussent à rester en classe derrière son ordinateur pour pouvoir y écrire plutôt qu’au tableau, à moins qu’ils nous installent des tableaux numériques ou des projecteurs avec stylet aussi efficaces. C’est la principale crainte que j’ai concernant ma pratique : ne plus pouvoir gesticuler au tableau, envoyer 4-5 élèves en même temps, mettre du feutre partout. Ça me manque déjà après dix jours de Onenote.

Pour les élèves : tout est enregistré, très pratique pour relire une explication du prof ou être au courant du travail à faire à domicile s’il n’a pas été bien écrit dans son agenda, un avantage aussi pour un élève malade qui peut accéder au cours qu’il a raté pour rattraper la matière. Nous avons également dans notre école des élèves sport-art-formation qui manquent régulièrement des jours pour leurs entraînements. Eux aussi bénéficient de ces outils numériques. Attention toutefois à éviter de tout leur préparer sur un plateau et qu’ils manquent alors d’autonomie. C’est parfois ce que j’ai remarqué durant le confinement du printemps : les élèves ne faisaient que ce qui était tout prêt dans les Devoirs de Teams et ne cherchaient pas ailleurs s’ils n’y trouvaient rien.

Pour moi : linuxien depuis longtemps, utilisateur convaincu de logiciels libres, c’est un gros changement de mettre le doigt dans la suite Office 365, ou plutôt de m’y jeter de plus en plus. Que faire, sachant que ce n’est pas demain la veille qu’un retour en arrière se fera. Les licences vont être fournies pour de longues années, le Service de l’enseignement nous fournit nos adresses mail officielles via les services de Microsoft depuis peu. Que faire, sachant que LibreOffice me convenait tout à fait, et que tous mes documents ont été conçus avec ce logiciel libre ? Tous mes collègues, à une ou deux exceptions près, utilisent Word pour leurs examens, par exemple, le partage de fichiers est donc régulièrement problématique. Et je ne parle même pas du partage de dossiers sur Sharepoint… Peut-être faudra-t-il que petit à petit, j’abandonne complètement LibreOffice pour un monde que j’ai quitté avec satisfaction il y a une quinzaine d’années.

Et au niveau du matériel ?

Ce basculement vers le tout numérique est accéléré par la pandémie. Il nécessite cependant un engagement fort des enseignants, des compétences numériques bien sûr, mais aussi d’adaptation, tant pour nous que pour les élèves. Nouveaux outils, nouvelle manière d’enseigner, nouveau rythme de travail. Il reste cependant la grande question du matériel… Actuellement, avec un simple projecteur à disposition dans la classe, c’est l’enseignant qui apporte son matériel personnel, acheté à ses frais. Un matériel poussé à bout, en tout cas pour mon ordinateur qui vit sa huitième année d’utilisation de plus en plus intensive (ce n’est pas son ventilateur qui me contredira…).

Un matériel qui doit absolument rester à jour (payé par qui ?), une impossibilité d’enseigner sans ordinateur, des journées entières devant des écrans, une consommation énergétique qui suit la courbe des cas COVID, le jeu en vaudra-t-il la chandelle ?