7 semaines d’école à la maison, puis encore quelques semaines à venir dans un indescriptible entre-deux où nous travaillerons à 200% avec des élèves à 50%. Je m’arrête un instant pour faire un bilan de cette période évidemment particulière et difficile.

Dans cet article, on trouve

  • un compte rendu des outils utilisés pour assurer l’école à la maison
  • des découvertes de matériel didactique que j’utiliserai sûrement dans les années à venir, en classe
  • des réflexions sur l’engagement de chacun

L’enseignement à distance

Dans mon établissement, nous utilisions déjà Microsoft 365 (Office 365 pour les vieux) depuis deux ans je crois, ce qui nous a permis de mettre en place l’enseignement à distance en un week-end. Hormis quelques exceptions, les élèves sont tous bien équipés à la maison (ordinateur, tablette, smartphone, bonne connexion internet) ce qui limite d’emblée les écarts au niveau matériel.

Voici donc les principaux outils numériques utilisés.

Communication

Microsoft Teams pour communiquer, transmettre et récupérer les travaux : les élèves sont habitués à ce genre de communication et n’ont pas eu de peine à s’y mettre. C’est bien plus pratique que les e-mails. Il a juste fallu leur apprendre à prendre des photos de bonne qualité (tournée dans le bon sens, recadrées, etc.) et je n’ai pas réussi chez tous les élèves.

Enseignement

Oui, qui dit école à la maison dit enseignement à distance, et ce n’est pas évident. Je n’ai pas essayé d’inviter tous les élèves derrière leur écran à un cours en vidéoconférence. Par contre, j’ai créé quelques vidéos avec OpenBoard et une tablette graphique Wacom. Le son était pourri, mais le message a passé ! Les vidéos ont été mises en ligne sur Microsoft Stream (on ne quitte pas la prison dorée…).

Sinon, c’était plutôt de l’individualisation et des réponses aux questions personnelles des élèves via Teams. Il faut peut-être préciser que durant les premières semaines de confinement, la directive de l’Etat était de ne pas aborder de nouvelles matières. Comme l’enseignement à distance s’est prolongé un peu, nous avons eu l’autorisation de le faire par la suite.

Pour corriger les travaux des élèves (pas tout, ce n’était pas possible vu le nombre d’élèves et de travaux !), la solution la plus efficace pour moi a été de laisser de côté mon poste sous Linux (argh !) et d’utiliser Windows afin de pouvoir travailler directement sur les photos des élèves synchronisées via le gestionnaire de fichier et ouvertes avec The Gimp (+ tablette graphique). Ça m’a évité quelques manipulations. Par contre, évidemment, les élèves n’ont pas toujours été voir mes corrections, ce qui donne un peu l’impression de bosser dans le vide.

Évaluation, QCM

Microsoft Forms de temps en temps pour évaluer les élèves ou les faire réfléchir sur un texte, une vidéo, etc.

En cherchant une alternative à Socrative (que j’ai utilisé un peu dans sa version gratuite et très limitée), je suis tombé sur La Quizinière (en Suisse, on ne connaît pas tellement le réseau Canopé) qui est pas mal du tout pour faire des QCM. Les élèves n’ont pas eu de problèmes techniques, sauf qu’il faut se souvenir du code indiqué lors de l’enregistrement, et ça, même si je leur dit de l’écrire quelque part, ce n’est pas facile…

Labomep de temps en temps, mais pas trop. En fait, j’ai cherché à faire travailler les élèves au maximum sur papier en mathématiques parce qu’ils utilisent déjà beaucoup d’écran pour les autres branches (et pour leur consommation personnelle). Donc ils reçoivent une consigne qu’ils peuvent imprimer, travaillent sur leur cahier, et me retournent une photo de leur travail. Je le mets ici dans la catégorie Évaluation parce que c’est aussi un avantage de l’outil : voir les progressions des élèves.

Ressources en ligne

Le confinement, en plus de pousser rapidement les enseignants et les élèves à l’utilisation d’outils numériques (jamais il n’a été aussi aisé de faire adopter de nouveaux logiciels à un prof…), m’a permis de chercher des ressources en ligne pour présenter certaines matières et varier les activités.

Mathématiques

La chaîne Youtube d‘Yvan Monka est à recommander. Ce n’est pas très bling bling ni Feng Shui, mais efficace. Il explique clairement les choses, de façon proche de ce qu’on retrouve dans les moyens d’enseignement en Suisse (ce n’est pas toujours le cas, la France, c’est loin…), dans des vidéos de bonne durée (entre 5 et 10 minutes). Je l’ai utilisé pour les pourcentages et la proportionnalité.

Sciences

J’ai vraiment dû me creuser la tête pour les sciences ! 9CO, 10CO, 11CO donc passablement de choses à faire, de chapitres différents. Et nos moyens d’enseignements tout neufs ne sont absolument pas utilisables à distance. Ils nécessitent un accompagnement de l’enseignant, des échanges, des discussions, bref une classe en chair et en os.

Et faire des révisions, ça va un moment, mais il faut aussi leur trouver des choses motivantes, qui donnent envie de s’engager un peu. Je ne fais pas la liste complète de tout ce que j’ai mis en place, juste des ressources utilisées :

Youtube : pour trouver des vidéos du genre celle-ci très contre-intuitive, que j’ai découpée et donnée en morceaux aux élèves pour qu’ils fassent une hypothèse avant de voir la solution. Plus classique, de l’infiniment petit à l’infiniment grand : ça et ça et ça. Les deux dernières sont de la chaîne Balade mentale que l’on peut conseiller.

C’est pas sorcier, évidemment, ressource indispensable à l’enseignant qui n’a vraiment plus d’idée de génie pour le cours du lendemain et qui doit aller dormir parce que c’est déjà le lendemain…

Le site de la Cité des sciences possède une section Juniors contenant des ressources très très bien faites, tant au niveau de la forme (HTML5, jolis dessins) que du fond. J’ai utilisé ceci (mais il y a bien d’autres choses) :

Voici un autre site regroupant de nombreuses animations interactives : PhET. Produit (ou soutenu) par l’Université du Colorado, on y trouve des simulations de physique, chimie, biologie, mathématiques, géologie. Tout n’est pas en HTML5, il y a encore du Flash et du Java, mais c’est très bien fait. On peut agir sur les paramètres d’une expérience et observer ce qui se passe. J’ai utilisé :

Engagement

Ce fut une période difficile (pas encore terminée), il a fallu beaucoup d’engagement de la part des enseignants, dont le travail n’a pas été vraiment reconnu. J’ai l’impression que nos chefs, à l’Etat, ne se sont pas rendu compte de ce qu’ont représentés ces 7 semaines pour nous. Évidemment qu’avec mes collègues, nous n’avons pas eu tous la même charge de travail, l’engagement personnel de chacun était différent, mais il est clair que la charge de travail a été supérieure à la normale. La préparation de cours ou d’activités à partir de rien ou presque, inventer, créer. J’aime bien ça, mais là, c’était un peu trop en même temps malgré les échanges avec les collègues de maths et sciences.

Du côté des élèves, je m’attendais à davantage de questions de leur part sur la matière, mais en fait leurs seuls soucis c’était J’ai pas réussi à envoyer la photo ou Je ne trouve pas le travail ou encore Le lien ne fonctionne pas. Bref, pas très enthousiasmant pour le prof que je suis. Surtout que je savais pertinemment qu’ils ne savaient pas tout faire ce que je préparais, mais pas de question là-dessus, ou très peu. Baisse de motivation.

La facilité de communication entre eux les pousse à copier le camarade. Quelle utilité ? J’ai eu des évaluations copiées, des travaux copiés, des questions copiées (certains n’ont même pas l’idée de poser une question qui vient d’eux-mêmes !). Bref, du travail dans le vide pour eux et pour moi. Baisse de motivation.

Les résultats de l’enseignement sont difficiles à évaluer, malgré les tests effectués et les corrections faites. Il y a évidemment ceux qui se copient, mais aussi ceux qui cochent au bol le QCM, ceux qui n’ont pas le courage de sortir leur calculatrice et recopient simplement la réponse. J’ai même eu des élèves qui réalisent un tableau de proportionnalité complètement faux, mais avec la bonne réponse dans la quatrième case. Quand on voit ça, la motivation baisse, évidemment.

J’espérais aussi que les élèves timides, réservés, ceux qui ont peur en classe de poser une question et de se faire moquer par le grand bobet de derrière, osent davantage m’interpeler personnellement. Eh bien non. Les mêmes qui ne demandent rien en classe ne demandent rien à distance. Les mêmes qui ont toujours la main levée en classe me questionnent à distance. Dommage.

On comprendra donc que je me réjouis de reprendre la vie normale, sauf que ce ne sera pas la vie normale. Encore quelques semaines (pas trop, j’espère) de bricolage, avec des demi-classes un jour, l’autre moitié le lendemain. Ça ne va pas être facile de tout gérer, mais on fera du mieux qu’on peut, comme d’habitude…