Les scientifiques présentent souvent leurs travaux à l'aide de posters vulgarisant leurs recherches, généralement incompréhensibles au commun des mortels. Pour un chapitre du cours de sciences 3CO, aux élèves de se transformer en scientifiques et d'exposer l'un ou l'autre thème sur une grande affiche.

Rien de très original, me direz-vous, dans la réalisation d’une affiche. Sauf que là, je vise quelque chose de pas forcément évident :

  • l’affiche sera grande (voire très grande pour des élèves trouvant A3 gigantesque…) : 100×70 cm (feuille de flipchart), je propose même à ceux qui veulent de doubler la surface ;
  • je ne fournis pas les documents à résumer ou synthétiser, mais seulement un point de départ (vidéo + article) ;
  • le temps imparti est assez court : 5 périodes de 45 minutes, y compris mes explications sur ce que j’attends.

Pourquoi une affiche ?

Dans le nouveau plan d’études est prévu, en sciences 3CO, un chapitre sur la modification des écosystèmes. Assez vague, assez vaste, avec peu de moyens fournis par l’animation de sciences si ce n’est des références dans les livres de 1CO, 2CO et 3CO… Une partie de ces pages ont, de plus, déjà été traitées durant les années précédentes. Bref, peu motivant pour l’enseignant, et par conséquent pour les élèves (du moins j’imagine).

J’ai donc réfléchi à faire autre chose qu’un cours habituel, sans pour autant laisser totalement tomber ce chapitre. Réaliser une affiche me titillait depuis pas mal de temps, mais en sciences, nous sommes actuellement assez limités dans notre liberté de prendre plus de temps pour un chapitre, vu la quantité de matière à travailler. Lorsque mon stagiaire m’a proposé de réaliser une sorte d’affiche avec la classe de 2CO, sur les maladies liées au système cardiovasculaire, je me suis dit que je pouvais faire de même en 3CO. Cependant, il a fait ça sur une période de cours seulement, et sur une page A4. Les élèves ont donc « simplement » réalisé une synthèse d’un document fourni. Avec les 3CO niveau 1, je voulais quelque chose de plus conséquent, avec plus de travail pour eux aussi. J’ai donc choisi de ne pas leur fournir le contenu, mais seulement le point de départ, un peu comme une « situation-problème » en mathématiques.

Point de départ

Il existe beaucoup d’écosystèmes que l’homme modifie de nombreuses façons. J’ai 23 élèves, que je peux donc répartir en 6 groupes de 4 (6×4=23, c’est bien connu !). Il me faut donc 6 thèmes différents :

  • écosystème du sol
  • écosystème fluvial
  • biodiversité
  • réchauffement climatique
  • cycle de l’azote
  • monoculture

Pour chacun de ces thèmes, j’ai trouvé une courte vidéo et un article pas trop long non plus (journal, magasine, revue, …) posant d’emblée le problème de la modification de ces écosystèmes. Ces documents sont disponibles au fond de ce billet. Ainsi, après 5 minutes de vidéo et la lecture d’un texte, les élèves devraient plus ou moins avoir cerné la problématique :

  • qui ?, quoi ? (acteurs de l’écosystème et de la perturbation)
  • causes de la modification
  • conséquences de la modification

Une fois ce travail effectué, à eux de plonger dans les dédales d’internet pour se renseigner, comprendre, repérer les enjeux et les solutions. Tout ça sans perdre de vue la réalisation d’une affiche, et donc d’un support visuel. Le but n’est pas de faire un cours ou un résumé ou un texte, mais de produire un média fait pour être vu en plus d’être lu.

Difficultés

Pour les élèves, habitués à fournir immédiatement du contenu, ce n’est pas facile de s’interroger sur ce contenu, justement. Comme ils ne connaissent rien du changement climatique par exemple, ils doivent ressortir non pas directement ce qu’ils mettront sur leur affiche, mais d’abord ce sur quoi ils doivent se renseigner.

Pour éviter du grand n’importe quoi, je leur ai donné les affiches uniquement après 3 périodes de recherche, de planification, de réflexion. Ce travail est essentiel, on ne peut pas fournir un poster si on n’a pas compris la situation, la problématique.

Autre difficulté : comprendre les aspects scientifiques. Certains groupes ont tout à fait bien saisi les éléments techniques (avec parfois un peu d’aide, évidemment, je ne suis pas allé au bistrot pendant qu’ils bossaient) comme le cycle de l’azote ou les micro-organismes du sol. D’autres par contre ont eu de la peine à comprendre l’essentiel. Je pense au groupe sur le réchauffement climatique. Il leur a fallu beaucoup de temps pour comprendre l’effet de serre, alors que ce n’est pas si difficile que ça.

Résultat

Voici les 6 affiches :

On repère assez rapidement les affiches réalisées par des groupes de filles. À ce sujet, je voulais que les élèves se répartissent par affinité avec le thème, mais c’est plutôt avec les copains que ça s’est fait. Ce n’est pas grave, ils ont tout autant bien travaillé qu’ils s’entendaient bien.

Dans les critères, je demandais d’être original et de créer des affiches « interactives ». Certains ont tout à fait joué le jeu et fait l’effort (imaginer, découper, mesurer, coller) et réaliser fenêtres et autres caches à tirer ou à soulever.

De façon générale, je trouve le résultat assez bon, avec des affiches qui insistent plus sur les causes et les effets que d’autres, dans lesquelles on trouve principalement des explications sur les acteurs et moins de liens ou de problématique.

Autres compétences travaillées

En plus de l’aspect scientifique de ce travail, les élèves ont eu l’occasion de développer ou utiliser d’autres compétences :

  • recherche d’informations et d’images : déjà travaillé dans de nombreuses branches ;
  • redimensionnement d’images et impression : éléments importants, à mes yeux, et peu travaillé, les élèves imprimant généralement sans se soucier de la taille de ce qui va sortir ; je leur ai fait utiliser un traitement de texte pour redimensionner les images, c’était simple et pratique ;
  • travail de groupe : à quatre, il faut se répartir les tâches, s’entendre, prendre des décisions plaisant au groupe (mise en page, contenu, etc.), faire en sorte que chacun comprenne et participe
  • créativité : sans aucun préjugé évidemment, je peux affirmer que les filles sont clairement plus créatives, leurs affiches sont esthétiques. Par contre, les garçons sont plus « rationnels », plus linéaires. À chacun de juger du résultat…
  • réalisation d’un code QR pour un des groupes (bon d’accord, c’est moi qui leur ai soufflé l’idée).

Amélioration

Si je mets à nouveau en place cette activité une autre année ou dans une autre classe, je guiderais davantage les élèves dès le départ, afin qu’ils ne pataugent pas trop longtemps. Un simple document leur demandant de poser la problématique soulevée par la vidéo et l’article de départ serait une bonne chose. J’y mettrai les questions suivantes :

  • de quoi parle-t-on (écosystème) ?
  • quelle est la problématique décrite dans les documents ?
  • qui sont les « acteurs » (vivant ou non vivant) de cet écosystème ?
  • quelles sont les causes du dérèglement de l’écosystème ?
  • quelles sont les conséquences du dérèglement ?
  • y a-t-il des solutions pour limiter les conséquences néfastes ?

Ainsi, les élèves se poseraient directement les bonnes questions, et ce travail pourrait aussi être fait en partie à la maison :

  1. visionnage de la vidéo à l’école ;
  2. discussion dans le groupe ;
  3. lecture du texte individuellement à la maison ;
  4. retour en classe plus efficace.

On gagnerait sûrement un petit peu de temps, vu que les 5 périodes étaient un peu limite pour certains groupes qui ont eu besoin d’une rallonge durant une étude.

Planification détaillée pour l’enseignant

J’ai présenté cette activité à la soirée sciences 2015, réunissant les enseignants de sciences du canton en avril, et réalisé pour l’occasion un document à l’attention des collègues intéressés par l’activité. Je joins en annexe le document en question.

Liens vers les vidéos utilisées

Je n’annexe pas directement les vidéos dans ce billet, mais indique l’endroit où je les ai trouvées :

Documents joints